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Étape 1 : Banyuls - Col de l'Ouillat

"Tramontane"

ARP Banyuls
Prêt, feu, go !

Presque 20 ans que je viens marcher tous les étés dans les Pyrénées, du coté de la Cerdagne et du Capcir. Depuis tout ce temps, avec la famille, l'idée de la traversée des Pyrénées a été évoquée, comme une idée de projet à long terme, sans plus de précisions. Comme un rêve... Après 6 ans d'études supérieures, pas de boulot à la sortie malgré quelques recherches, je réfléchis à une manière de marquer le coup. De profiter du laps de temps qui m'est offert avant de me lancer dans le monde du travail pour de bon. L'idée ressurgit, comme une évidence. Mais oui, c'est maintenant qu'il faut partir traverser la chaîne ! Je peux partir une quarantaine de jours en vacances sans problème. Bon, il est vrai que personne dans mon entourage n'est à la fois dispo 40 jours et assez fou de montagne pour m'accompagner tout du long. Mais mes parents viendront marcher chacun une semaine environ avec moi. En trois semaines d'intenses recherches, je suis prête à partir, dès le lendemain de la remise des diplômes. Direction Banyuls pour démarrer cette traversée dans le sens est-ouest. 

2 juillet 2017 : ça y est, c'est le grand jour ! Il est temps de s'élancer à l'assaut de la chaîne. Après une nuit à l'Hôtel Canal de Banyuls-sur-mer, je pars avec environ 13 kg sur mon dos (estimation), soit presque 30% de mon poids ! La tramontane est puissante aujourd'hui, cela risque d'être pénible sur les crêtes. 

Panneau du GR10 à BanyulsRace albère et vue sur Banyuls



La mer depuis la crête
La mer depuis les hauteurs...

En montant à travers les vignes, je découvre peu à peu les paysages de basse montagne typiquement méditerranéens, avec les arbres et les oiseaux qui leur sont associés... C'est ainsi que, parmi les chênes verts, je fais ma première observation de pie-grièche grise ! La passionnée d'ornithologie que je suis est ravie. Puis rapidement la vue se dégage sur la mer, et on aperçoit Banyuls au loin. En prenant de l'altitude, je me fais chahuter violemment par les rafales de vent. Je manque même de chuter en arrière sur un rocher! Le col des Gascons est particulièrement éprouvant à parcourir. 
Je croise pas mal de randonneurs, et un troupeau de jolies vaches dont je ne connaissais pas la race : il s'agit de l'albère, du nom du massif que je suis en train de parcourir, mais également appelée massanenque côté français. Une race très locale donc, les effectifs sont estimés à environ 200 têtes !
J'arrive au Coll del Pal à 12h30. Postée derrière un grand buisson, je parviens à pique-niquer à l'abri du vent. En plaine, côté français, j'aperçois un incendie, attisé par cette satanée tramontane...

La crête frontière dans les Albères
La crête frontière qu'il faut parcourir
En marchant, je me dis que ce que je viens de parcourir ne représente qu'une infime partie du long voyage qui m'attend. J'ai beau avoir maintenant un pied dedans, cette aventure me semble encore bien irréelle. Il faut poursuivre sur la crête frontière, en plein vent, mais avec la plus belle vue possible... 
Un passage dans une belle hêtraie du massif de l'Albère permet de changer un peu de décor et de moins subir le vent.
Une dernière grimpette au Pic Neulos, une dernière descente le long de la frontière puis en forêt, et me voilà arrivée !
A la fin, je n'ai pas vu le temps passer et pourtant... J'ai marché 8h30 aujourd'hui ! J'ai seulement eu mal aux pieds durant les deux dernières heures. Je suis donc soulagée en arrivant au chalet de l'Albère, où l'accueil est chaleureux. Je rencontre un randonneur qui termine sa traversée, et qui est très content de me donner le surplus de ses paniers pique-nique ! Il me souhaite autant de chance que lui dans ma traversée qui commence...

Étape 2 : Col de l'Ouillat - Las Illas

"Détour imprévu"



Patrimoine catalan avant le Perthus
Au col de la Comtessa
Après ma première nuit en refuge, très confortable, je réalise avec soulagement que j'ai déjà récupéré de la veille, mes membres ne sont pas endoloris. 
Simplement des zones d'appui du sac à dos un peu douloureuses. 
Me voilà donc motivée et optimiste au possible !
Je reprends donc ma route en commençant par une descente par un joli sentier dans la forêt de châtaigniers. 


Canigou
Le massif du Canigou apparaît !
Je croise un randonneur en arrivant en bas, ce sera le seul de la journée, en dehors du passage au Perthus. Je suis pourtant sur le GR10 pour le moment, puisque la HRP y passe au début de la chaîne...

Au Perthus donc, un bref retour à la civilisation, j'en profite pour acheter un sandwich et repars dans la chaleur. Les températures ne sont ni caniculaires ni exceptionnelles mais je me trouve à basse altitude (280m) et nous sommes le 3 juillet...




Ruines de panissars au-dessus du Perthus
Redoute de Panissars
Je constate avec amertume qu'aujourd'hui, c'est après 2h de marche seulement que mes pieds deviennent douloureux... Pas d'ampoules mais une sensation d'écrasement de la plante très pénible. Le sentier laisse place à une piste qui monte doucement. J'ai chaud et constamment soif, et il n'y a aucun point de vue ici pour me motiver.
Un pick-up arrive à ma hauteur et deux hommes qui semblent être des employés de la commune, ou quelque chose du genre, me demandent si je vais bien et si je veux qu'ils m'avancent. Je vais quand même relativement bien et ne veux surtout pas "tricher", qui plus est durant une étape si facile ! Je les remercie donc et repars en serrant les dents.






Aux alentours du Perthus
Ruines de Panissars et Fort de Bellegarde
Le temps passe et je ne comprends pas pourquoi je ne suis toujours pas arrivée à Las Illas. Le livre mentionne un raccourci que j'ai dû rater, puisque je suis restée sur le GR. Me voilà donc sur le bitume, assoiffée (mes réserves s'étant épuisées) épuisée et souffrant des pieds. Mais la carte indique que je devrais être plus proche, même en étant restée sur le GR10. En fait, j'apprendrai plus tard que 2 km se sont ajoutés au tracé initial du GR, car une propriétaire l'a fait détourner. "Merci", sorcière va... Je me résous à faire du stop et ne trouve un chauffeur qu'à 300m de mon arrivée. Dure journée ! Je rencontre alors une traileuse de mon âge qui fait la traversée en faisant 2 étapes d'un coup. Et son sac n'est pas si léger (9-10 kg selon elle). Je suis impressionnée.

Étape 3 : Las Illas - Amélie-les-Bains

"Parcours ombragé"



HRP salinas
En marchant côté espagnol
Je repars du gîte de l'hôtel des Trabucayres, où j'ai cuisiné et dormi seule. Le sentier monte en forêt plein sud, et va me mener pendant un moment versant nord, en Espagne. J'ai donc quitté brièvement le GR10 pour suivre la HRP seule. Je trouve avec étonnement une piste bétonnée, qui monte doucement pour arriver dans une pineraie sylvestre, qui ressemble plus aux lieux où j'ai l'habitude de randonner. Cela fait déjà plus "montagnard". J'arrive ensuite à l'ermitage des Salinas, où une jolie fontaine me permet de me ravitailler en eau. J'aperçois un maçon qui s'affaire autour de l'ermitage, c'est la première personne que je croise aujourd'hui ! Le début de l'itinéraire est très peu fréquenté.


Fontaine HRP Salinas
La fontaine de l'ermitage
La forêt continue et j'avale assez rapidement tout le dénivelé. Je recroise le GR10 au col du puits de la neige (de nombreux puits à neige étaient autrefois utilisés dans la région, pour la fabrication de pains de glace à redescendre en plaine). C'est une grande intersection entre un PR, le GR10 et la HRP qui restent séparés. Je dois suivre de près la crête frontière et le balisage jaune. Au début, il est doublé du balisage rouge et blanc du GR, mais je ne vois bientôt plus que celui du GR. Dans les arbres, j'ai manqué la séparation des deux sentiers et laissé la HRP partir quelque part au-dessus de moi.

GR10 Roc Frausa
Hêtre fendu sur le GR10
Je continue donc dans la hêtraie, en espérant pouvoir quand même accéder au Roc Frausa (ou Roc de France). J'y trouve un hêtre complètement fendu à sa base, juste au bord du chemin. Je finis par retrouver la deuxième intersection GR10/HRP, que j'aurais dû rejoindre depuis la HRP, après le Roc Frausa. Je décide de repartir en arrière sur la HRP cette fois-ci, pour atteindre ce pic. Je manque à nouveau l'intersection et vais trop loin sur le GR10. Décidément... J'ai au moins pu prendre de la hauteur et admirer la vue sur l'Espagne. Vu l'heure, je décide donc de revenir à la dernière intersection pour prendre la HRP, dans le bon sens cette fois, pour aller à Amélie-les-bains. La descente commence dans des débris végétaux, il semble que les fougères aient été débroussaillées. Ce n'est pas très agréable car même si cela a rendu le sol souple, de nombreux petits débris s'invitent dans les chaussures... Puis l'étape, bien que "facile", commence à être un peu longue à mon goût : j'ai de plus en plus chaud, mal aux pieds et aux points d'appui du sac à dos. La végétation méditerranéenne vaut quand même la balade, et contraste avec la pineraie de ce matin. C'est donc encore une fois épuisée que j'arrive à Amélie-les-Bains à 16h. Je m'accorde donc un petit plaisir : un bon sirop et une bonne glace en terrasse ! Il fait une trentaine de degrés ici. Vivement la reprise d'altitude ! Je vais ensuite me rafraîchir et détendre mes jambes dans le Tech.

HRP Amélie-les-Bains
Amélie-les-Bains

Étape 4 : Amélie-les-Bains - Batère

"Des chiens, un bon bain"



Etape 4 Trans'pyr Amélie-les-Bains - Batère
Canigou et tour de Batère
Aujourd'hui, une courte étape qui me permettra de récupérer (et de me préparer pour celle de demain). Par courte, le livre entend 5h10 de temps effectif de marche. Le dénivelé n'est quand à lui pas négligeable (1280m D+) mais il ne me pose pas vraiment de difficulté. En revanche, la chaleur en partant d'Amélie est assez pénible. J'ai heureusement pris suffisamment d'eau et en reprends à Montbolo, où j'arrive au bout d'une heure à couper les lacets de la route qui surplombe Amélie-les-Bains. Il y a beaucoup de piste par la suite, ce que je n'apprécie pas trop, mais l'idée de la courte journée compense ce point négatif. La marche sur sentier reprend ensuite peu après le col de la Redoute pour monter raide jusqu'à la crête, et rejoindre les ruines de Formantère. A cet endroit je peux me retourner et profiter de la vue sur le chemin parcouru jusqu'à présent. Une piste me conduit enfin à la tour de Batère, signe de mon arrivée imminente.


Tour Canigou
La tour de Batère
 A 2 km de l'arrivée, des petits cris attirent mon attention : c'était bien une mésange huppée, cette espèce si jolie que je ne croise qu'en montagne. J'adore observer les oiseaux, ce qui peut me faire perdre pas mal de temps en randonnée. Pour cette traversée, j'ai décidé de ne pas m'y attarder. Cette petite mésange est une exception, en somme. Juste avant d'arriver, j'entends des cailles des blés cachées dans les pâtures, grâce à leur cri très typique. 
J'arrive donc au refuge de bonne heure, et y rencontre  plein de personnes sympa et une adorable portée de border collies !
Je les trouve étonnamment calmes pour de jeunes toutous, puis les vois finalement faire les fous une fois l'heure de la sieste terminée (ben oui, je suis arrivée vers 14h !).
Je discute avec mes compagnons de refuge sur la terrasse. Il est très facile d'établir la conversation, on sort ses cartes, on demande qui fait quoi (ou plutôt qui va où et d'où viennent-ils)... Je rencontre ainsi un jeune couple qui termine sa traversée par le GR10 en autonomie. Ils ont leur tente et j'admire les gens qui avancent aussi chargés.La fille a les même chaussures que moi, ce qui est plutôt rassurant, je dois donc être bien équipée... sauf que GR10 et HRP, c'est un peu différent. Mes chaussures sont peut-être un peu trop souples pour la caillasse qui m'attend.


Jeu jeunes border collies
L'adorable portée de Border Collies
Mais l'inquiétude du moment n'est pas là : demain, le livre indique 10h de marche jusqu'au refuge de Mariailles en passant par le Canigou. J'ai vraiment peur de cette distance, vu comme mes pieds me font mal en ce début de traversée (même si ça allait un peu mieux aujourd'hui). Je ne me prive pas de le faire entendre, ouverte à tout avis ou conseil. C'est alors que le très sympathique gardien m'annonce que son collègue, un jeune saisonnier, part demain vers le Canigou en passant par les crêtes (non balisées) du Roc Negre. Je saute alors sur l'occasion : j'avais en effet cherché un raccourci sur cette voie, mais la peur d'aller toute seule sur un itinéraire non balisé sans les indications d'un livre m'avait découragée. Je suis donc ravie, je partirai donc à 6h (gloups) et gagnerai sans doute 2h de marche sur les 10 ! Par ailleurs, je recommande chaudement le gîte de Batère, où l'équipe est vraiment adorable et où vous pourrez bénéficier d'un bain d'eau chaude en plein air !

Paysage crépuscule Pyrénées orientales
Crépuscule et pleine lune depuis les mines de Batère


Étape 5 : Batère - Mariailles

"Journée au top"



Lever de soleil sur mer de nuages
Mer de nuages depuis Cincreus
Aujourd'hui, je me lève donc en vitesse pour être prête à 6h et pouvoir suivre Cho, le saisonnier. Il a fait une douceur incroyable toute la nuit, le départ aux aurores n'est donc pas désagréable. On aperçoit les premières lueurs du jour, un beau lever de soleil nous attend là-haut. Nous disons au-revoir aux chiens qui nous font la fête et attaquons tout de suite la grimpette. Cela monte bien raide mais je suis en forme. Dommage que je sois si chargée, entre le panier pique-nique et le reste. Notre itinéraire alternatif : le col de la Cirère, Le pic Gallinas, la serra del Roc Negre et enfin le pic du Roc Negre. Ensuite il faut descendre vers le nord pour rejoindre le GR10. En attendant, nous nous élevons au-dessus d'une superbe mer de nuages, éclairée par une belle lumière, et profitons du spectacle. Nous poursuivons sur la crête, vraiment pas fréquentée (nous n'avons aperçu que deux randonneurs au loin). La vue est magnifique, j'adore emprunter les sentiers de crêtes et rester le plus en hauteur possible !

 
Roc Negre Pyrénées catalanes
Le Canigou depuis le Roc Negre
Au bout d'un moment, les premiers izards de ma traversée se montrent ! Nous apercevons bientôt le Roc Negre, où il faut mettre un peu les mains pour accéder au sommet. Pour monter, pas de soucis mais la descente s'avère très compliquée. Nous sommes chargés et le sol est très inhospitalier, entre les blocs et la caillasse sur la pente très raide, puis carrément l'éboulis. Cho joue les héros en prenant mon sac, mais s'ouvre légèrement la main en se rattrapant sur une pière tranchante. Heureusement, j'ai ma petite pharmacie. Nous arrivons enfin aux gourgs du Cadi, ces petits étangs où nous nous arrêtons enfin pour manger. Dans mon panier pique-nique, je découvre une barre de céréales faite maison. Quelle gentille attention ! Cho part ensuite de son côté pour l'ascension de la cheminée du Canigou, et moi du mien en descendant vers Mariailles. Pas de regrets d'avoir feinté le Canigou, car, habituée aux randos en Pyrénées catalanes, je l'ai déjà gravi 2 fois.


Gypaète barbu survolant Mariailles
Gypaète barbu et son os !
La descente est tranquille, je croise beaucoup plus de monde maintenant que je suis revenue sur le GR. Cette grosse journée s'est bien passée, elle a quand même été longue (8h de marche environ) mais je n'ai plus trop mal aux pieds. J'arrive donc ravie à Mariailles. Malgré le passage difficile de la descente du Roc Negre, j'ai profité d'un magnifique parcours de crête, toujours sous le soleil, j'ai vu des izards, un lever de soleil sur une superbe mer de nuages... La journée parfaite ! Je sors mon appareil pour photographier le refuge, quand soudain... Un gypaète barbu passe juste au-dessus de moi, à basse altitude et portant dans ses serres un bel os ! Wahou ! Rien ne peut plus m'enlever mon sourire (jusqu'aux oreilles). C'est ma meilleure observation de gypaète et celui-ci a eu la délicatesse d'attendre que je sorte mon appareil pour faire son apparition.


La journée parfaite continue au refuge où l'accueil est super : je déguste une délicieuse bière artisanale locale, rencontre plein de randonneurs sympa, et termine la soirée avec une victoire au scrabble.

Refuge étape 5 HRP GR10
Le refuge de Mariailles

Étape 6 : Mariailles - Ull de Ter

"En compagnie des traquets"



Tour Canigou étape HRP
En arrivant au Pla Guillem
Hier, j'ai fait la connaissance de plusieurs personnes très sympa au refuge de Mariailles. J'ai tout d'abord rencontré deux amies catalanes avec qui j'ai papoté. Mon espagnol finirait presque par se rouiller, sans ces rencontres pyrénéennes ! Ces dames font le tour du Canigou en 5 jours. Puis j'ai parlé avec une famille Romeu-fontaine, et enfin j'ai trouvé deux (très) semblables : ils sont aussi toulousains et réalisent aussi la HRP dans le même sens que moi ! Ils ont chacun leur tente, mais l'un d'eux est bien mieux équipé, il fait presque de la MUL, avec son super matos lui permettant une autonomie complète ! Ce matin, c'est en compagnie du deuxième que je démarre. J'avance légèrement plus vite que lui, il n'est pas en forme aujourd'hui. En ce qui me concerne, je me sens au contraire pleine d'énergie ce matin. Est-ce l'effet de l'isostar ? Mystère... Toujours est-il que je finis par le devancer, montant comme une flèche jusqu'au Pla Guillem, jusqu'à retrouver les deux catalanes que je dépasse aussi après un chaleureux au revoir. Le nouveau paysage me fait penser aux steppes d'une contrée lointaine...


Affleurements calcaires Pyrénées catalanes
 Affleurements calcaires sur la crête
Me voilà à nouveau au plus haut, sur la crête frontière. Rapidement, ce paysage original devient très calcaire, et prouve bien qu'une seule étape de HRP est suffisante pour être dépaysé. Après avoir observé un accenteur mouchet, et mes premiers bec-croisés de mon voyage, je me retrouve quasi-continuellement en compagnie des traquets motteux. Ils guettent les intrus, inquiets pour leurs nids, et font résonner inlassablement leur "tchak" caractéristique. La marche se fait maintenant sur une piste agréable et plutôt plate. Comme depuis le début de l'aventure, la dimension "performance" est très présente en moi et je jette régulièrement des coups d'oeil à mon avancée, espérant être plus rapide que ne le prévoit mon guide. Cela ne m'empêche pas de profiter de mes randos journalières, c'est même stimulant. Résultat : je marche à un rythme assez rapide, mais j'ai plus de temps pour récupérer dans chaque refuge. Au bout de 6 jours, je me sens bien ainsi.


Le prince des pierriers
J'étais pour l'instant seule sur la crête, mais un bel isard surgit de derrière les blocs calcaires. Le beau caprin des montagnes me toise depuis son refuge en hauteur, où il sent bien qu'il est en sécurité. Il reste donc à très bonne distance pour faire une belle photo ! J'informe de sa présence un randonneur que je croise juste après, espérant qu'il fera lui aussi une belle observation. Je continue ma route, seule avec la nature, en parfaite harmonie. J'approche alors de lieux plus familiers : le Roc Colom est juste devant moi. Après après avoir contourné ce sommet où je vins un jour traquer (avec succès) le Gypaète, j'arrive sur le Pla de la Coma Armada, où je vois un groupe de randonneurs en pleine pause. Je suis toujours assez rassurée de voir un minimum de monde sur mes itinéraires. Juste après les avoir dépassés, mon regard se tourne vers le ciel. Il est 13h30, et en regardant en direction de la Carança, je me m'inquiète : "Tiens, on dirait de la pluie là-bas."


Pluie pyrénées catalanes
Pla de la Coma Armada et pluie sur Mantet
A la seconde qui suit, j'entends gronder au-dessus de moi. Je frissonne. Se trouver sur les crêtes par temps orageux, une bien mauvaise idée... Je me presse mais constate alors rapidement que le front arrivant du Sud m'a déjà dépassée (je suis en plein soleil) et se dirige vers les vallées de Py et Mantet, où il risque plus de sévir. L'arrivée à Ull de Ter se fait donc sans encombre. Pas de difficultés techniques, pas d'orientation, une journée tranquille en somme. Au refuge, il y a du monde, mais quasiment que des catalans. Je comprends globalement cette langue et parle espagnol, mais ils sont déjà tous en groupe, chacun à des tables différentes, ce qui n'encourage pas à lancer des discussions. Certains jouent aux dés, aux dominos. Je pars manger dans mon coin en me disant que je vais passer la soirée sans me sociabiliser, mais alors que je tente de me servir (un peu laborieusement) de mon réchaud pour la première fois, un espagnol vient à mon secours et nous discutons. Espagnol... Mais non, il est allemand ! Il a en fait grandi à Porto Rico, d'où sa maîtrise de la langue. Puis je motive un espagnol qui mangeait également en autonomie pour faire un jeu. Déception : il n'y a pas grand chose d'autre que les dominos et les petits chevaux. Je gagne donc les 3 parties à coups de bêtes jets de dés. Et bien, je suis contente qu'il y ait des jeux, mais je préfère nos références françaises !
Je n'ai pas revu mon compère toulousain depuis ce matin, il voulait pourtant camper près du refuge... Je suis un peu inquiète après l'épisode d'orage, même s'il ne s'est pas abattu sur les crêtes visiblement.



Étape 7 : Ull de Ter - Eyne

"Sprint vers mon père"



HRP Col de la Marrana
Bientôt la pause en Cerdagne...
Et voilà, c'est déjà mon 7e jour de marche qui commence. Demain, ce sera repos. En effet, ma famille ayant une résidence secondaire à Font-Romeu, j'avais prévu d'en profiter pour y faire une halte après une semaine non stop. Je me disais que c'était un délai raisonnable pour une première pause. Mais Font-Romeu se situant à mi-chemin entre les deux points de chute de l'étape suivante (Eyne et les Bouillouses), je vais profiter de la présence de mon père et de sa voiture pour "shunter" cette prochaine étape et démarrer directement des Bouillouses dans deux jours. De toute façon, je connais très bien la Cerdagne, j'y randonne depuis petite. Ce n'est pas de la triche donc (Tentative d'auto-persuasion...) !


Pyrénées catalanes
Côté espagnol
Je pars d'Ull de Ter avec un temps frais et venteux. Je troque donc rapidement ma polaire contre mon imperméable. L'accès au refuge étant facilité par la route pour la station de ski, je ne suis pas du tout seule au départ de cette journée. Cela n'empêche pas un grand troupeau d'isard de se montrer en contre-haut. Je marche et discute un peu avec trois catalans, qui ont l'amabilité de me prendre en photo. En revanche, malgré mes réponses en castillan, ils s'obstinent à me parler en catalan ! Heureusement que je comprends à peu près. Nous montons et le vent se fait de plus en plus sentir, je suis vraiment poussée dans les cols. Quelques gouttes menacent également. Cette fois-ci c'est polaire + imperméable, j'ai vraiment froid sans les deux.


Etangs vallée Carança
Estany Negre et Estany de Carança
Je m'agace de ce vent qui empêche ma capuche de tenir en place et fait valser des mèches de cheveux dans mon visage. Difficile de profiter du parcours de crête cette fois-ci. Un jour sur 7 de mauvais temps, ça n'est pas si mal mais je presse le pas pour arriver le plus vite possible en vallée d'Eyne, plus à l'abri je l'espère. Après le franchissement du col de Noucreus (ainsi nommé en raison des neufs croix qui y sont érigées) et du pic de Noufonts, je me permets même de courir en descente car le sentier le permet. J'ai tout de même pu observer deux accenteurs alpins, c'est la première fois que je les identifie formellement. Je grignote au col d'Eyne pour ne pas m'y attarder malgré la faim, et pique-nique une fois à l'abri dans la vallée d'Eyne. Les gouttes se font un peu plus nombreuses et plus grosses, mais il ne pleut toujours pas pour de bon. Je continue à descendre vers Eyne, très en avance à force d'avoir accéléré le pas.


HRP Crête Eyne
En arrivant au col d'Eyne
Je vois une marmotte, comme souvent en vallée d'Eyne, et la pluie démarre pour de bon juste quand j'arrive en forêt. Le timing est parfait, je suis à l'abri. Soudain, au détour d'un virage, un homme à l'air un peu fou avance en faisant "l'avion"... C'est mon père, ce blagueur, qui a marché 20 min pour venir à ma rencontre avant de me conduire d'Eyne à Font-Romeu ! J'ai longtemps pensé à ce moment durant cette première semaine. Je suis contente de le retrouver, mais en fait, je commence à me demander si j'ai vraiment besoin de cette pause : je me sens en pleine forme !

Étape 8 : Les Bouillouses - Col du Puymorens

"Orages"



Balades Capcir
Lac des Bouillouses devant les pics Peric, une vision familière...
Il est temps de repartir sur la HRP ! Terminé le séjour express à Font-Romeu. Je dois partir en bus et navette ce matin pour rejoindre les Bouillouses. A cause de leurs horaires, impossible de partir très tôt pour cette journée. La météo est instable, mais heureusement plusieurs abris se trouvent sur le chemin en cas d'orages cet après-midi.
Je me lève pour aller prendre un solide petit-déjeuner. Mais... qu'entends-je ?? Un bel orage fait fureur, à 7h du matin (oui oui), dans toute la Cerdagne. En voilà des manières, de se déclencher si tôt ! Je ne m'affole pas, et décide de me préparer et partir comme prévu, je peux déjà m'avancer sans risque jusqu'aux Bouillouses à l'abri dans les bus. On verra sur place si j'attends, fais demi-tour ou entame ma marche. La pluie s'est calmée le temps que j'arrive à l'arrêt de bus. Je descends une première fois à Mont-Louis, constate qu'il a grêlé ici, et prends un autre bus jusqu'au Pla de Barrès. La pluie reprend alors, tandis que je monte dans la navette qui mène jusqu'au barrage.


Massif du Carlit
Dans la vallée de la Grave
Une fois là-haut, le ciel est à nouveau dégagé. Le parcours du jour restant bien en-dessous des crêtes et des sommets (je ne gravirai pas le Carlit, lui aussi je le connais), je décide de partir, quitte à m'abriter en chemin et attendre. Je ne suis pas pressée aujourd'hui, les perturbations n'ont de toute façon pas attendu l'après-midi, et puis ma mère doit me rejoindre vers 19h au col du Puymorens. Nous allons y bivouaquer puis nous marcherons ensemble 4 jours. Je suis peu chargée aujourd'hui : j'ai laissé mon appareil photo à mon père, car pendant 4 jours j'aurais bien assez sur mon dos avec le matériel de bivouac ! Mais pour l'instant, c'est ma mère qui l'a... Toutes les 10 min, des gouttes tombent en petite quantité, je mets mon gore-tex, le retire, le remets, le re-retire... La météo est joueuse. Rapidement, j'arrive dans une zone inconnue, contrairement au début de la rando que je connaissais un peu. Je découvre donc la jolie vallée de la Grave, qui contourne le massif du Carlit par le nord-est.


Peric Carlit Capcir
Les très piques Roges
Je croise quelques couples de randonneurs, et suis dérangée par un hélicoptère militaire qui semble faire un exercice, et fait des aller-retours incessants et bruyants au-dessus des crêtes. Je grignote un instant, préférant être proche d'un abri pour m'arrêter prendre mon pique-nique. Puis je suis un des couples, Anne et Jérôme, de la Porteille de la Grave jusqu'au sud de l'étang du Lanoux. Eux partent en direction des Bésines. Je retrouve immédiatement un compagnon de route, à qui j'avais dans un premier temps souhaité une bonne balade, avant de me rendre compte que nous marchions exactement au même rythme ! Il vient de Paris et est novice en randonnée. Nous commençons à discuter quand je croise un couple d'anglais rencontré à Mariailles et déjà revus entre Ull de Ter et Eyne. Nous réalisons le même parcours pour l'instant, je me suis juste reposée dimanche pendant qu'ils reliaient Eyne aux Bouillouses. Mais aujourd'hui, il sont passés par le Carlit ! Je les trouve complètement fous de l'avoir gravi par ce temps orageux, c'est le plus haut sommet des Pyrénées orientales !


Le Lanoux HRP GR10
Arrivée à l'étang du Lanoux
Je reprends ma route avec mon compagnon parisien, et trempe ma chaussure en me ratant dans un passage à gué. Je peste contre mon manque d'attention mais nous en rions. Aux alentours de 14h, l'orage menace sérieusement. La pluie commence à tomber fortement, mais heureusement nous sommes proches d'un abri. Nous n'avons pas trouvé la fameuse "cabane des ingénieurs", mais apercevons un bâtiment EDF possédant une avancée de toit sous laquelle nous nous précipitons. Nous y sommes rapidement rejoints par Sébastien, encore un randonneur qui a gravi le Carlit aujourd'hui. Je prends enfin mon déjeuner, nous discutons et attendons bien longtemps que cet orage passe. Sébastien m'apprend alors, quand je lui raconte mon aventure, qu'il a croisé Cho (voir étape 5) et sa main blessée au refuge des Cortalets, au pied du Canigou ! Il lui avait parlé de moi donc, sans doute en expliquant sa blessure... Le monde des HRP'istes est petit... L'orage passé, Guillaume le parisien part de son côté vers Porté-Puymorens, et je pars avec Sébastien vers le col du Puymorens. Lui aussi campera là-bas. A la fin de cette journée, je ne suis pas du tout fatiguée. Ma mère arrive à 19h, apporte avec elle un bon pique-nique, puis nous dormons dans notre tente, en face de Sébastien et dans les nuages... Fini le confort des refuges pendant quelques jours !

Étape 9 : Col du Puymorens - Incles

"Descente difficile"



A peu près bien dormi !
La nuit n'a pas été confortable, sur nos matelas mousse tout fins, mais nous avons quand même réussi à dormir. Nous sommes toujours entourés par les nuages. Sébastien est prêt avant nous et nous lui disons au revoir. Nous plions la tente, allons déjeuner à la voiture puis partons pour de bon. La vue se dégage au bout de quelques minutes et le décor des crêtes andorranes est magnifique. De nombreux troupeaux paissent ici, dont beaucoup de chevaux. Nous passons à côté d'une ancienne mine de fer, et je comprends alors que l'exploitation minière était autrefois très importante dans les Pyrénées, puisque c'est déjà la 3e que je croise. Nous traversons ensuite des pâturages, direction le Pas de la Case, ce paradis des achats à taxes réduites. Un grand groupe de vautours nous survole, et nous entamons la descente vers la ville, très peu esthétique dans ce décor montagnard. Nous y faisons quelques courses pour nos pique-niques, mangeons et repartons sur la route pendant 4 km, et 200 m de dénivelé positif.Ce n'est pas très rassurant dans ces lacets avec le trafic routier, mais chacun reste prudent.


Andorre Ordino randonnée
Le décor andorran peu après le col du Puymorens
Nous arrivons enfin au port d'Envalira, où un beau panorama nous est offert. En revanche, un vent très puissant vient gâcher la marche. difficile de maintenir la casquette sur la tête ! Nous pouvons quitter la route et monter en direction du Pic Maia (2614 m). Une piste y monte en larges lacets. Nous alternons entre suivi de la piste et coupe des lacets. Une fois en haut nous parvenons à trouver un abri pour grignoter un peu. Puis nous continuons sur un sentier balisé andorran. Nous croisons un petit groupe de randonneurs, qui se séparent de nous pour aller vers les étangs de Juclar. Ils descendent donc dans la vallée où l'on voit deux autres petits étangs (photo). De notre côté, nous suivons la dernière portion de crête, d'où nous descendrons vers la vallée d'Incles pour y passer la nuit. Après les vaches et les chevaux, c'est un troupeau de chèvres que nous rencontrons ! Plus espiègles, elles s'approchent pour voir si nous n'avons pas un petit quelque chose à leur donner à manger.


Randonnée Andorre Juclar
Estanys de Baix
Le bout de la crête arrive, il faut redescendre. Mais par où ? Je regarde ma carte : c'est seulement une 1/50 000 pour cette zone, mais la HRP y est indiquée. Elle "tire" tout droit vers la vallée au nord, depuis le bout de la crête où nous nous trouvons. C'est ma foi très raide, et ne vois pas vraiment un passage plus praticable qu'un autre. Mais il n'y a pas vraiment d'autre solution, alors nous descendons avec moultes précautions dans ce très raide versant mi-herbeux, mi-rocailleux. Ma mère n'est vraiment pas rassurée. Je l'aide en lui indiquant les endroits où j'ai réussi à passer, mais il est vrai que je suis également ultra concentrée pour ne pas me tordre une cheville ou dévaler. La descente n'en finit pas... La pente s'adoucit pour arriver à un vrai pierrier, puis nous sommes au beau milieu des rhododendrons, implantés beaucoup trop densément ! Pas facile de les traverser. 


Troupeau de chèvres Andorre
Curieuses, ces chèvres !
Nous arrivons finalement en bas, après avoir passé un assez mauvais moment (avec le recul, il aurait fallu suivre l'itinéraire des autres randonneurs en descendant dans la première vallée). Mais nous ne sommes pas encore tout à fait arrivées. Il faut encore descendre un peu le ruisseau, sur un sentier cette fois. Il commence à se faire tard (18h), j'ai faim, et ai besoin de me ressourcer. Mais je tiens en voyant la courte distance restante avant le campins d'Incles.Sauf que... aucune trace du camping ! Il y a des maisons à l'emplacement indiqué sur la carte, mais point de camping. Alors nous continuons, sur la route, pendant encore 2 km. Le camping a en fait été déplacé, et ma carte n'était pas à jour... Au moins une fois sur place, nous y trouvons notre bonheur : bière, coca, chips et douches chaudes !

Étape 10 : Incles - Sorteny

"Le couple au GPS"



Estany cabana sorda andorra
Sous la Cabana Sorda, avant de bifurquer hors sentier
Nous trainons un peu ce matin, je mets toujours un temps considérable à préparer mes affaires, surtout maintenant qu'il y a le matériel de bivouac à remballer... C'est donc peu fière que je note l'heure de notre départ : 9h50 ! Vraiment pas sérieux pour des HRP'istes... Mais au moins le temps est (toujours) clément. Un problème survient cependant, je navigue toujours à vue, avec ma vieille carte au 1/50 000, que j'ai d'ailleurs raturée pour indiquer le nouvel emplacement du camping, plus bas dans la vallée. Et dès ce matin, depuis la route, impossible de trouver le supposé sentier indiqué sur cette carte. Après une partie de galère dans les hautes herbes, ma mère et moi nous apprêtons donc à suivre un autre sentier dans un premier temps, en direction de la Cabana Sorda. Mais la chance est avec nous : nous y rencontrons Anne et Jérôme, le couple de parisiens que j'avais vu au nord du Lanoux il y a deux jours ! Ils ont des cartes 1/25 000e et un GPS, quelle chance!


Vallée de la Coma Andorre Canillo
La descente à flanc, hors sentier
Je ne m'attendais vraiment pas à croiser d'autres personnes faisant la traversée à une heure pareille... Ils venaient en fait du refuge de Juclar, plus à l'est. Ils nous proposent gentiment de faire route avec eux, nos destinations étant les mêmes. Nous acceptons sans rechigner ! Le GPS est effectivement très utile, une bonne partie de la matinée se déroulant complètement hors sentier. Il faut évoluer de chemin de bêtes en chemin de bêtes, et en l’occurrence, ce sont des petites bêtes qui sont passées, sans doute des chèvre plutôt que des vaches ! De fait, nous passons beaucoup de temps à flanc, les pieds en devers... Je n'aime vraiment pas ça, c'est plutôt pénible pour les chevilles. Mais la vue à chaque nouveau col est splendide, et si j'aime repérer le matin les points de passage à venir, j'adore me retourner une fois en hauteur et constater avec émotion les cols déjà franchis, les sommets déjà gravis. Je m'amuse notamment de voir encore le Carlit, avec sa forme typique, 2 jours après l'avoir contourné.


Randonnée Andorre
Vue vers l'est depuis la Collada dels Meners
Avant d'aborder la deuxième et dernière grande montée de la journée, je soulage ma mère qui marche moins vite, en lui prenant la tente en plus de nos deux duvets. Je suis assez en forme pour ça, après 10 jours d'entraînement et d'acclimatation ! Je la passe ensuite à Jérôme un peu avant la Collada dels Meners, le dernier col du jour. Quelle entraide ! La vue est vraiment splendide une fois là-haut, je ne regrette vraiment pas d'avoir choisi la HRP et l'Andorre plutôt que l'Ariège. Les crêtes andorranes qui nous entourent sont belles et bien hautes : l'un des pics du col culmine à 2911 m. Il est alors temps de redescendre dans la Vall de Sorteny, belle vallée verdoyante et fleurie. Nous entendons des marmottes mais elles sont bien loin. Dans peu de temps, nous pourrons nous reposer au refuge, après une journée pas facile hors des sentiers battus ! Arrivés là-bas, je retrouve avec plaisir Florent, rencontré au refuge de Batère 5 étapes plus tôt.


Benoîte des montagnes en fruit
Benoîte des montagnes en fruits dans la Val de Sorteny
Nous sommes heureux de voir que tout se passe bien pour l'un et pour l'autre. Il va planter sa tente dans l'emplacement dédié, et nous cherchons à faire de même. Mais il se trouve que l'emplacement de camping de ce refuge est repoussant : il est en légère pente, sur un terrain très caillouteux. Ma mère veut abandonner le bivouac et prendre deux places dans les dortoirs. Seulement ce n'est vraiment pas prévu dans mon budget, j'ai pris de la marge, mais pas à ce point, surtout qu'il faut pouvoir faire face à un nouvel imprévu de ce type demain... Je m'entête donc à vouloir planter la tente aux côtés des autres (dont le couple d'anglais déjà croisé 3 fois). Sauf que les "meilleurs" emplacements sont désormais pris, et que les sardines de notre tente sont vraiment fines, et je sens que je vais les casser si je force pour les enfoncer. Anne et Jérôme viennent donc à nouveau à notre rescousse, en nous prêtant un peu d'argent pour pouvoir dormir en dortoir. Ouf !

Étape 11 : Sorteny - Étang Fourcat

"Calvaire technique"



HRP variante
L'étang Blaou
Ma mère, très rassurée depuis hier par Anne, Jérôme et leur GPS, souhaite les suivre aujourd'hui également jusqu'au refuge Fourcat. Nous nous rendons en effet une nouvelle fois au même endroit, sauf que nous avons prévu des itinéraires différents. Il en existe deux pour relier Sorteny à Fourcat : le premier descend jusqu'à la ville d'El Serrat et emprunte un peu la route et passe par le port de l'Albeille. Le deuxième est plus sauvage et passe par le port de Siguer : c'est par là que passerons nos amis. Je vois sur ma carte qu'en choisissant ce deuxième itinéraire, c'est deux passages délicats (en pointillé sur la carte) au lieu d'un qu'il faudra traverser, et le glisse à ma mère. Peu importe pour elle, nous les suivrons car elle est rassurée ainsi. Je culpabilise de lui avoir fait perdre confiance ces derniers jours. Nous nous mettons en marche. Les deux premières heures se déroulent à merveille, il fait beau, nous discutons, nous marchons sur un vrai sentier pour le moment. Mais il faut rapidement le quitter après avoir atteint le port de Siguer.


Port de Siguer
A flanc sous la crête d'Arial...
Nous nous trouvons alors sur la crête frontière avec la France et l'Ariège. Le bel étang Blaou se tient en contrebas. Nous faisons une pause goûter et suivons la crête vers l'ouest un moment, avant de traverser à nouveau un raide flanc de montagne dans les herbes, les chevilles à nouveau mises à rude épreuve. Je me dis que ma mère va me détester de l'avoir embarquée dans cette HRP... Elle est impressionnée par la pente et craint de dévisser et de finir tout en bas. Nous nous distançons un peu les uns les autres, si bien que je finis par ne plus voir que Jérôme, loin devant. Je ne vois plus ma mère qui était derrière nous, à force de tourner sur ce flanc de montagne. Je cris en direction d'Anne que j'ai aperçue peu avant, pour lui demander où est ma mère. Pas de réponse. Je m'époumone, commence à vraiment m'inquiéter. Et si par ma faute, elle avait vraiment fini par glisser tout en bas ? J'ai peur, je crie de toute mes forces, reviens un peu en arrière, mais rien. C'est au bout d'une ou deux interminables minutes que je la revois apparaître, un peu plus haut. Elle s'était reposée un instant, et va bien, même si elle en a marre comme moi de ce terrain hostile. Je me remets de mes émotions et nous rejoignons Anne et Jérôme jusqu'à la crête d'Arial. Nous y pique-niquons et profitons de la vue imprenable sur les massifs alentours. Je revois à nouveau le Carlit.




HRP Fourcat variante
Étangs des Llassiès
Mais la réalité nous rattrape : nous allons devoir descendre par un raide pierrier, c'est la seule solution. Il s'agit d'ailleurs du passage délicat que j'avais repéré sur la carte et que j'aurais préféré éviter, surtout pour ma mère qui est la moins à l'aise hors sentier. Nous nous engageons alors, en prenant bien garde de rester à bonne distance les uns des autres, pour ne pas se faire glisser de pierres dessus. La descente demande vraiment beaucoup d'attention, il faut apprendre à se laisser aller dans de longues glissades dans les pierres qui dévalent sous nos pieds. Cela ressemblerait presque à du surf... Une fois en bas de ce calvaire, il faut traverser un grand chaos. je commence à en avoir marre de la caillasse... Nous remontons ensuite légèrement jusqu'au col qui mène à l'étang du Rouch, un bel étang très bleu qui ne doit vraiment pas être très fréquenté, vu l'accès ! La descente hors sentier reprend, tantôt dans l'herbe, tantôt en terrain plus caillouteux. C'est encore très raide et pénible, certains endroits étant même glissants.


Etang de Rouch
Le pierrier qu'il a fallu descendre (rouge)
 Nous nous retrouvons au bout d'un long moment en bas, dans une vallée humide, et réalisons la distance qu'il nous reste encore à parcourir. Il est déjà tard dans l'après-midi. Mes muscles tiennent le coup de cette longue journée, mais c'est vraiment épuisant nerveusement. Toute cette attention dans tous ces passages compliqués nous a grandement fatigués. Nous ne continuons que parce que nous n'avons pas vraiment le choix. "Marche ou crève",  dit ma mère.  Je culpabilise encore de l'avoir emmenée ici, puis réalise que tout de même, c'est elle qui a voulu emprunter cet itinéraire malgré ma mise en garde. Cela me permet de m'en vouloir un tout petit peu moins. Au bout de la vallée, il faut encore monter jusqu'à l'étang de la Goueille, puis affronter le passage délicat "inévitable" présent dans les deux itinéraires. Il s'agit de traverser une zone de gros blocs, et pour pimenter le tout, la brume du soir remonte sur nous. Après quelques derniers efforts et frayeurs, nous arrivons à l'étang Fourcat, dominé par un grand rocher sur lequel est perché le refuge. Il est 20h passées, et je suis un peu honteuse d'avoir causé du soucis aux gardiennes. En effet, nous n'avons pas eu de réseau de la journée pour les prévenir de notre retard. Nous avons mis 11h pour relier les deux refuges aujourd'hui. Heureusement, un bon repas chaud est là pour nous réconforter.

Étape 12 : Étang Fourcat - Artiès

"Retour tranquille"



Randonnée Haute Ariège
Refuge de l'étang Fourcat
En déjeunant ce matin, je vois un randonneur possédant le même livre que moi, dont j'avais fait des photocopies pour les 7 premières étapes. J'apprends alors en regardant avec lui que le chemin emprunté hier est décrit dans le guide dans le cadre d'une variante et il est qualifié de... sérieuse étape de montagne. Le "point chaud" qu'était le pierrier y est décrit comme "un couloir très raide de pierre croulante qu'il faut descendre avec précaution, en veillant aux chutes de pierres"... Voilà donc ce que nous avons affronté...
Nous partons aujourd'hui pour une étape qui demande un peu d'attention au début, puis consiste seulement à redescendre gentiment vers un début de civilisation. Nous rencontrons très vite d'autres marcheurs, et ma mère, assez traumatisée de la veille, demande à quoi s'attendre plus précisément à deux hommes qui connaissent l'endroit. Ils nous disent clairement que descendre par la vallée de l'étang d'Izourt est plus simple, étant donné que l'on vient nous chercher en voiture. A ma déception, ma mère insiste alors pour que l'on se rende à Artiés plutôt qu'à Mounicou, en évitant ainsi d'autres frayeurs ou complications. Il est vrai que cela ne change pas grand chose en terme de "traversée est-ouest", et que dans les deux cas, nos arrivons à portée de voiture. Ce sera même un peu plus court en passant par Izourt.


Randonnée étang Ariège
L'étang d'Izourt
Mon compagnon vient nous chercher en ce 14 juillet, car je passe le week-end à Toulouse pour assister à un mariage dans ma famille. Il faut dire que j'ai prévu mon aventure bien après l'annonce de ce mariage ! Mais il faut alors le prévenir de ce changement de programme...quand nous aurons du réseau ! Nous n'en avons pas depuis 24h et n'avons pas pu donner de nouvelles à nos proches. J'ai en effet pris la précaution d'informer mon père de mon itinéraire précis et de prévenir la famille à chaque arrivée en refuge. Nous étions deux à présent, mais tenons à continuer à prendre cette précaution. Nous montons donc le volume des sonneries à fond pour être sûres d'entendre les sms inquiets quand ils finiront par nous parvenir. Nous descendons très fort en ce début de journée, dans de tortueux lacets surplombant l'étang d'Izourt. Nous rencontrons un jeune de mon âge qui avait aussi dormi au refuge Fourcat, et discutons un long moment. Nos filières d'études sont assez proches et je l'écoute parler de ses projets avec enthousiasme et intérêt. Nous nous séparons en arrivant au lac, qui est d'un bleu magnifique, nous donnant même envie de nous baigner ! Malheureusement, il est 11h30 et des brumes sont encore coincées dans cette vallée encaissée.


Etang fleurs Ariège
Au bord de l'étang d'Izourt
Avec la petite brise et cette humidité, nous n'avons plus tellement envie de nous déshabiller... Nous nous arrêtons juste pour manger quelques fruits secs. Peu après le barrage, nous recevons enfin nos messages. Certains se sont inquiétés de manière vraiment irrationnelle... Nous rassurons donc tout ce petit monde, et mettons au courant mon copain du changement de lieu de rendez-vous. S'en suit une longue pause déjeuner et papotage sur notre famille. C'est un grand moment de partage et d'échange avec ma maman, favorisé par cette escapade de quelques jours toutes les deux. Nous repartons tranquillement jusqu'à Artiés où nous retrouvons du bitume, qui ne nous avait pas manqué. Nous repensons alors à ce grand moment de rire que nous avons eu hier, en marchant sur un beau sentier bien "propre", lorsque Jérôme avait plaisanté en disant qu'à ce stade, "ça sentait presque le gazoil ! ", faisant référence aux longs moments hors sentier. Son humour avait fait mouche.